mardi 14 février 2012

La cuisine marathon de Top Chef 2012, ou comment user des candidats.

Top Chef, programme phare de la chaîne M6, épuise physiquement ses candidats, mais pas que…

La dernière émission en date du lundi 13 février laisse un goût étrange. C’est après avoir cuisiné « une déclaration d’amour à leurs proches », accompagnée de moments d’émotion coulants, que l’on a retrouvé les candidats au centre d’un chapiteau, sur une musique digne d’une blockbuster  américain, se démener pour « le plus grand marathon culinaire », explique Stéphane Rotenberg, sourire aux lèvres et voix mielleuse. Les gladiateurs sont dans l’arène, et les lions rôdent autour d’eux. Surplombant les candidats du haut d’un gradin, les chefs du jury proposent des jeux tous plus extraordinaires et sadiques les uns que les autres, histoire d’amuser la galerie-public, nécessaire à une part d’audience précieuse.  
En somme, on s'aperçoit que le gros matou M6 s’amuse à jouer avec les petites souris de candidats : un jour, revoir amoureux, papas, mamans, pour de doux instants, et le lendemain, dix heures de cuisine dans les pattes –visiblement ininterrompues !– pour les maillons faibles, soit une succession de six épreuves qualifiantes. Chacune de celles-ci est inventée par un des chefs : Ghislaine Arabian impose de travailler légumes et épluchures ; Thierry Marx réclame une forêt noire sans cuisson aucune ; Jean-François Piège proscrit le sel ; et Christian Constant rêve de se voir présenter une omelette à l’extérieur blanc, jaune à l’intérieur. Le cirque romain s’éreinte à mesure, les candidats épuisés s’agitent au centre, courant derrière la moindre miette d’un temps trop court, comme des taureaux aux yeux perdus et affolés après des heures de combat acharné, pour ne pas retomber dans les antres de l’anonymat. Cernes, excès verbaux, mains tremblantes et visages crispés montrent une fatigue amplifiée par la pression des chefs, notamment une Ghislaine Arabian virulente, osant couper sèchement la chique à un candidat rincé mais relâché (ici), confiant être reconnaissant de l’aventure humaine offerte par Top Chef : « vous vous parlez beaucoup [...] ah! Ben faut pas trop décompresser ! ».
Une journée rude, pour une émission qualifiée par  la chaîne de « plus grand concours de cuisine réservé aux professionnels ». Plus grand à quelle échelle, on ne sait pas, mais c’est la nouvelle référence en matière de cuisine professionnelle, le nouveau révélateur de talents toqués, l’Emission du cuisinier lambda français, en  recherche d’aventures culinaires. La téléréalité doit être  sensationnelle, spectaculaire, on n’a pas peur d’aller jusqu’à la mise en scène d’une mise à mort. Et le cynisme télévisuel ne s’arrête pas là. Il pousse jusqu’à l’édition de livres de cuisine et la mise en ligne, sur le site internet de la chaîne, des recettes crées par les candidats naïfs, aux yeux pétillants de flashs d’une précipitée médiatisation. Et ces derniers ont le plus souvent signé de simples contrats de participation au jeu, « n’ayant aucune valeur juridique », selon Jérémy Assous, avocat des ex de la téléréalité, lors d’une interview aux Inrocks. Son cabinet compte environ trois-cent dossiers, dans une vague annuelle de quelques mille-six-cent participants rejetés à la mer, vidés de leur énergie, leur créativité, et leurs droits, gracieusement reversés à la production. Top Chef, une cuisine qui fait recette !

4 commentaires:

  1. on peut dire que c'est envoyé !
    comme en cuisine, bien frais et épicé;
    j'ai regardé une fois cette émission qui rappelle "On achève bien les chevaux" film mythique.
    mcb

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  2. merci de cette mise au point vraiment bien analysée

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  3. TRES BON ARTICLE BEAUCOUP DEVRAIT LE LIRE !!! biz a toi pierrot

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  4. tout y est et tout est dit!!! j'adore

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