samedi 19 mai 2012

Paul Pairet, coqueluche de Shanghaï (article pour le Figaro, paru le 19/02/2012)


Palmarès 2011 des plus élogieux pour le chef français Paul Pairet : Mr&Mrs Bund, son restaurant au coeur de Shanghai, est classé 7ème des meilleures tables d’Asie du guide Miele, devant Pierre Gagnaire. Ultraviolet, nouveau food concept sons/images/odeurs, affirme les ambitions de ce génie de la gastronomie depuis trop longtemps méconnu.

«Rendez-vous lundi, 14h, à Ultraviolet. Prière de ne pas communiquer l’adresse.»

Lieu top secret : dix clients emmenés en van aux vitres teintées, comme enlevés pour mériter le repas. Une cour au milieu d’échafaudages lugubres, ambiance déroutante de l’immensité de Shanghai. Une porte s’ouvre, levée de rideau : la musique résonne sur les murs de la cuisine rutilante, bouillonnante de cuisiniers, serveurs, plongeurs et monteurs son et vidéo en plein rush. Mise en scène : Paul Pairet, naturel, caractère bien trempé, casquette en guise de toque, anglais à l’accent bien français, et les yeux brillants d’excitation d’un enfant dans sa cabane bientôt terminée. Porcelaine de Limoges de la manufacture Raynaud comme écrins des mets raffinés : foie gras façon croque-au-sel, bouillabaisse encapsulée dégustée aux sons du Marseille de Pagnol, oursons Haribo torturés, blocs de Coca-Cola azotés... Les dix clients sont réunis autour d’une unique table nappée de lumières pour réactualiser échanges et partages. Alain Ducasse, en premier hôte, a apposé sa signature comme signe de bienveillance sur l’un des murs des 900 mètres carrés du restaurant : arbre centenaire envahissant une pièce, night-club high-tech, ou encore salle de régie aux écrans de contrôle et tableaux de mixage. Technologie et design à la pointe de la modernité, le groupe Visual Orient Limited, propriétaire des restaurants Paul Pairet, a laissé carte blanche aux folies géniales sorties de l’imagination du maître des lieux.

Un chef hors norme.

Ultraviolet, c’est Paul Pairet : cuisine d’auteur talentueuse, et univers fantastique à découvrir au fil d’un ballet de service millimétré, entouré de Greg Robinson (bras droit), Elliot Zhou (second), Fabien Verdier et Collin Cao (salle), équipe soudée depuis 2005. Loin de la carte riche et «consensuelle» du Mr&Mrs Bund, vingt créations associées au même nombre de scénarios sensoriels sont présentées. Et n’allez pas croire que le tout est un fourbi musical, lumineux et odorant, là aussi une vraie recherche a été faite. Ce qui a amené Paul Pairet là ? «La première chose, c’est le manuel des recettes de Grand-Mère Donald, que j’avais eu à 9ans» s’amuse-t-il à dire. Mais le réel tournant de sa carrière s’est opéré en première année de BTS cuisine à Toulouse, grâce à Jean-Pierre Poulain, éminent chercheur en sociologie de l’alimentation, alors professeur de cuisine. Il a su intéresser l’élève par «une façon d’analyse et de synthèse. La première recette consistait en trois verres d’eau : dans l’un de la carotte râpée, dans un autre, coupée en rondelles, dans le troisième, immergée entière. Les variantes de couleurs orange de l’eau des verres montraient tout l’intérêt de la diffusion du solide dans le liquide selon les tailles de surface». Avec la passion et la curiosité d’un chercheur, il étudie, décortique, épluche livres, recettes, et philosophies des maîtres cuisiniers : «j’ai lu Trama, Senderens, Maximin, Robuchon : de vrais créateurs. Je lisais tellement que j’avais l’impression d’y avoir travaillé!».

Une quête d’inspiration permanente.

Paul PAIRET glane tout, partout, de sa première expérience de chef en colo, où il découvre «le réel pouvoir de la cuisine sur les gens, ses aptitudes à donner le sourire, à rassembler», à son passage dans les cuisines de José Lampreia, ou durant ses trois ans de professorat à la CEPROC (école des métiers de la restauration). La Chine a, elle, apporté sa touche de précision. Sa curiosité le pousse aux expériences longuement menées : «Pour les oursons Haribo, Greg [Robinson] est passé par quatre-vingt-six essais sur trois mois pour atteindre le résultat que je voulais!». Du caractère, voilà la «french touch» du chef : des créations personnelles parfaites dues à un acharnement infatigable. Rien n’est laissé au hasard, comme le Long Short Rib Teriyaki à la réduction d’orange, résultat admirable d’une dizaine d’années de recherche. Dépassant les bornes du bien-manger, il se confronte à des produits populaires phares comme le Nutella, dont il se vante d’être le recordman du monde des plus gros mangeurs! «Un de mes plats iconiques : la cuillère de Nutella gelé trempée dans le BA ; la première trempe gèle le yaourt et donne un goût qu’on ne retrouvera pas à la deuxième bouchée, car le Nutella légèrement fondu dévoilera un tout autre goût». Sans peur de faire hérisser les cheveux des grands défenseurs de la haute gastronomie, Paul Pairet casse les codes, s’amuse à réinventer le dîner, remet au goût du jour la notion de convivialité, et ne cesse de se hisser vers le sommet des plus incroyables chefs de son époque.

1 commentaire:

  1. cet article donne envie d'y gouter et si shangai est trop loin, momentanément, au moins avons nous le plaisir de savoir que de talentuex français portent haut nos couleurs à travers le monde.
    a propos de haute gastronomie,je ne crois pas que le conservatisme fasse progresser la cuisine et bravo aux createurs de gout

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